Je code donc je suis?

Pierre Vannier
3 min readJan 18, 2019

J’entends beaucoup de gens et lis beaucoup d’articles sur les vertus de l’apprentissage de la programmation informatique.

Du bootcamp au MOOC, en passant par le SPOC et autres formats pédagogiques des plus exotiques, la «sexyness» d’apprendre à coder attire de plus en plus de candidats. Parfois aussi des personnes en phase de reconversion professionnelle.

Mais je lis parallèlement beaucoup d’articles qui prévoient la fin du code, la mort de la programmation avec l’arrivée de l’IA.

Alors, quoi, on code? Ca sert à rien? Les machines vont prendre nos visual studio code, Vim ou Emacs (éditeurs de code) et tous nous reléguer dans des placards de coWorking?

Hum…🤔.

Je ne crois pas à la disparition du métier «d’informaticien» dans les temps à venir. Après plusieurs années à cotoyer des responsables informatiques, je peux vous dire que l’IA qui pensera la transfo digitale de certains de mes clients n’est pas pour demain.

Mais j’aimerais m’arrêter sur la finalité de l’apprentissage de la programmation. Selon moi, cet apprentissage à une vertu principale qu’on sous-estime souvent, ou dont on ne parle pas et qui me semble fondamentale.

L’informatique, la programmation plus particulièrement, constitue un nouveau langage, au même titre que le grec ou le latin, le hongrois… Ou encore, plus bizarrement, que les mathématiques.

Ces langages n’ont aucune fin en soit. D’ailleurs, votre enfant a dû vous le dire souvent : Pourquoi j’apprends Pythagore? Pourquoi je pose à la main mes multiplications? Pourquoi je dois démontrer des choses avec des théorèmes? Laissant très souvent les parents sans réponse à ces questions. Pourquoi finalement?

Une des réponses possibles (que je défends) est: «On s’en fout des maths!», «On s’en fout du latin» et «in fine» (elle est facile celle là), on s’en fout du langage ou de l’informatique. Vous êtes choqués? C’est volontaire.

Notre réalité nous contraint à penser le monde de manière de plus en plus restreinte à mesure que l’on vieillit; Les systèmes, les préjugés, l’usure diminuent nos capacités de réflexion jusqu’à devenir obtus, sans plus aucune imagination ni ouverture, sans innovation.

Une paupérisation cérébrale et neuronale. Je vous passe le laïus sur les réseaux sociaux…on se comprend.

Apprendre, aujourd’hui comme hier, c’est découvrir et mettre son cerveau en position de conflit psycho-cognitif. Proposer à nos neurones une reconfiguration, un formatage de bas niveau, une douche froide.

L’apprentissage des maths ou d’un langage informatique permet d’envisager le monde, de le voir sous un autre angle. Il impose de sortir du cadre, «think out of the box» as they say.

C’est bien ça qu’il faut répondre aux enfants qui ne comprennent pas pourquoi on leur «apprend» les maths et pourquoi c’est important. C’est la même chose pour l’apprentissage de l’informatique et de la programmation. En soit, on s’en moque du langage, de la techno. Ce qui est important c’est la façon dont cet apprentissage opère une reconfiguration des connexions neuronales.

C’est d’ailleurs pour ça que les profs de maths vous mettaient zero lorsque vous notiez le résultat sans la démonstration. La «bien nommée» démonstration est la preuve de la correcte reconfiguration de votre cerveau, la trace qu’il se transforme pour décrire et voir le monde d’une autre manière.

C’est la principale utilité des maths, en tous cas, sa fonction de base. En le voyant et l’expliquant de la sorte, généralement on comprend les mathématiques sous un autre angle. Ces mécanismes nous les retrouvons dans la lecture, dans l’oisiveté propice à l’imagination…etc.

Vous l’aurez compris, je suis un fervent défenseur de l’apprentissage de la programmation, au même titre que l’apprentissage des Arts, de la sculpture ou autre. La curiosité, moteur de l’innovation et du progrès ne naît que par ces ouvertures d’esprit issues de ces carambolages et mises en confrontation dans notre cerveau.

Apprendre à programmer va vous bousculer et vous allez aimer ça. Le reste n’a que peu d’importance. C’est le principe même de l’apprentissage et de la création d’intelligence.

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